Ecume des jours, le blues d'un poisson cuit

Il y a quelques mois, j'ai été très malade et j'ai attendu une douzaine de jours un diagnostic de roulette russe. Pendant ces heures, où la vie n'était plus un dû, j'ai marché à côté du fleuve des Vivants.


Toutes ces années passées à frétiller dans le fleuve.

Un jour, saumon remontant à contre-courant. Un jour, poisson-pilote et même poisson-torpille. Le lendemain, fragile alevin. Poisson-chat hésitant sur sa condition, rarement requin. La plupart du temps, menu fretin. Poisson rouge domestiqué à la nageoire décolorée. Poisson d'avril régnant sur rochers et corail de papier. Poisson pané se baignant dans la baie de trépassés...

Loin de la nasse, il m'est arrivé d'avoir le courage de prendre le large. Je fus, jusqu'à "ce jour", et souvent sans en avoir conscience, poisson dans l'eau.
Et puis, "ce jour", le vétérinaire analysa quelques unes de mes écailles et m'annonça une incertitude. 
Un avenir de monitoring plat comme une limande ?
Ça pourrait  donc se finir ?
Poisson ventre en l'air ?

Et le fleuve Amazone ? Et le Nil ? Le Mékong ? Le Mississippi ? Tous ces lits dans lesquels je n'ai pas rêvé, les alluvions perdues, ce destin de poisson-voyageur que je n'ai pas encore accompli...


Donc me voici sur la rive. Sur la berge du fleuve des Vivants. Côté branchies, mon moteur suffoque un peu.
Dans ma tête de poisson, j'essaie de trouver un sens à l'édit du Prince ces Marées.
Dans ma tête de poisson, je réfléchis et je ne vois qu'une explication : l'évolution !
L'évolution, c'est quand les poissons sont sortis de l'eau, n'est-ce pas ? Ma disparition... L'évolution serait à ce prix ?

Alors, si petit poisson doit ne jamais devenir grand,
De lui, naitra demain, pourtant. S.D

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